Rechercher dans ce blog

dimanche 3 février 2019

Obiit

D'une tradition ancienne, les obiit sont des tableaux héraldiques de forme rhombique (losange), qui sont peints lors du décès d'une personne. Les armoiries du défunt sont peintes sur un fond noir ou de couleur sombre, accompagnées des dates de naissance et de décès.


Obiit de Pierre de Neve (1575-1620), officier d'infanterie

Obiit (détail) de Gabriel-Joseph de Cazier (1669-1734), chanoine de la cathédrale de Tournai.

En règle générale elles accompagnent le cortège funèbre, puis sont posées sur le catafalque lors de la célébration. Ensuite ils sont accrochées dans l'église ou rapportés par la famille pour être accrochés dans la demeure familiale.


Église Saint-Léodegarius, Bornem (Belgique)

Cette tradition est toujours bien présente dans les pays où l'art héraldique est encore vivace. C'est le cas notamment en Belgique ou dans les Pays-Bas.

Le terme obiit est un mot latin signifiant tout simplement "il est mort".

mercredi 29 novembre 2017

Vervelles et autres petits écussons métalliques

Depuis quelques années, grâce notamment aux détectoristes amateurs et à internet, un nombre considérable de petits écussons métalliques armoriés ont refait surface. On peut en admirer facilement sur les forums de discussion spécialisés, ainsi que sur les sites de ventes aux enchères. Ces découvertes pourraient enrichir le corpus en s’ajoutant aux maigres collections conservées dans les musées, mais encore faudrait-il que ces découvertes puissent être inventoriées de manière systématique. Malgré tout, c’est à la lumière de ces nouvelles découvertes qu’il m’a parut opportun de faire le point sur les vervelles, ou pour être plus précis, les petits écussons métalliques armoriés.

Les vervelles à faucons

La vervelle, est le nom d’un petit anneau métallique que l’on attachait aux pattes des faucons grace aux jets (petites lanières de cuir) pour y passer la longe. Cette dernière permettant de l’attacher. Ce petit anneau métallique évolua avec le temps, prenant la forme d’un écusson gravé, doré et émaillé aux armes de son propriétaire.

Extrait du "Traité de fauconnerie" de Frédéric II

En effet, l’animal était fort précieux et réservé aux plus puissants seigneurs :

« […] les grands seigneurs se distinguaient par l’importance de leur fauconnerie et ne négligeaient rien pour soutenir avec honneur cette marque de leur privilège. […] on jugeait souvent de la valeur d’un fief par l’importance de la volière. »
La fauconnerie ancienne et moderne – J-C Chenu et O. des Murs - 1862

Le blason, marque d’appartenance, permettait donc de rapporter le volatile à son propriétaire si jamais il venait à se perdre ou à prendre la fuite :

« Du temps du roy Henry second, estant iceluy à Fontainebleau, un sacret de sa fauconnerie d’escarta, suivant une canepetière, lequel, le lendemain, jour de N-D de Mars, feust reprins en l’isle de Malte, ainsin que le grand maistre d’icelle, qui pour lors y estoit, l’excrivit au roy en le luy faisant tenir ; et l’année passée, un faucon que j’avois donné monta en essor à une lieue de Paris, et le mesme jour, feust reprins à Clèves, en Allemagne, et rapporté à Monseigneur de Guyse à qui il appartenoit. »
La fauconnerie - Charles d’Arcussia - 1598

Outre ces témoignages qui confirment l’utilité des vervelles armoriées, on trouve leur trace dans des registres comptables :

« vervelles d’argent, dorées et esmaillées des armes de France pour les faucons du Roy. »
Glossarium ad scriptores mediae et infimae latinitatis, Comptes royaux de 1350 - Du Cange

« A Jehan Galant, pour six vervelles d’argent renforcées, dorées et esmaillées à fleur de lys, pour mectre ès getz des Oyseaux de sa chambre »
Comptes de l’hôtel des rois de France aux XIVe et XVe siècle – 15.l.t.

« A Jehan de Zeelande, orfèvre, pour xij xijnes de vervelles richement esmaillées et armoyées aux armes de Monseigneur et y mis et escript son nom par dedans et par dehors pour ses oyseaulx »
Comptes des ducs de Bourgogne – 890

«  A Jehan Mainfroy, orfèvre de Monseigneur [le duc de Bourgogne], pour avoir fait iiij douzaines de vervelles pour faucon, icelles esmaillées et dorées »
Comptes des ducs de Bourgogne – n.77

Dressage des faucons - BNF, Français 12399, fol. 57v

Vu leur usage, il semble évident que ces écussons émaillés devaient être très petits pour ne pas déséquilibrer le faucon. Ce sont donc les plus petits modèles (de 15 à 25 millimètres de haut) qu’il est possible de classer comme vervelles à faucons. Une autre particularité de ces vervelles, réside dans le fait qu’elles sont généralement émaillées sur une seule face. Malheureusement, à ma connaissance, aucune image illustrant ces vervelles armoriées n’a été découverte, et ce malgré l’existence de nombreuses enluminures mettant en scène des faucons.

Les vervelles « à chiens »

Depuis le début du XXème siècle, l’hypothèse prédominante est que les vervelles de taille plus imposante, et notamment celles comportant une bélière déportée sur le flanc, auraient été destinées aux chiens. La position déportée des bélières étant attribuée à la mode graphique des sceaux de l’époque qui représentaient l’écu penché.

Paris, Bibliothèque Mazarine, ms 3717, fol. 026v

Cependant, même si il n’est pas contestable que certains chiens furent affublés d’un écusson métallique aux armes de leurs propriétaires, rien ne permet d’affirmer que ces écussons étaient pendants à leur cou, ou que la bélière déportée avait un quelconque rapport avec une mode graphique.

Comme pour les vervelles à faucons, il existe des traces écrites de l’existence de petits écussons armoriés destinés aux chiens qui attestent de leur existence :

« huict escussons de cuivre aux armes de Monseigneur et de Madame pour attacher ez colliers des levriers de Madicte dame ... »
M. Victor Gay reproduit ce texte en lui donnant la date de l’an 1454

Aujourd’hui, de nouveaux éléments permettent d’éclairer sous un nouveau jour l’utilisation de ces écussons armoriés à bélière déportée.

BNF, Français 9197, fol. 202
Tout d’abord, la découverte d’une enluminure montrant un couple entouré de chiens, où l’on voit clairement dans les marges trois colliers de chien comportant chacun l’écusson du commanditaire du manuscrit. Ces écussons semblent rivetés au cuir du collier, et non pendant. De plus, l’écusson étant représenté en couleurs, il devait être émaillé. Il parait également probable que seuls les chiens d’agrément portaient un tel écusson. En effet, la fabrication d’un petit objet de ce type par un orfèvre représentait un certain coût, bien plus élevé que le prix d’un simple chien de chasse. Ce dernier étant de plus facilement enclin à le perdre. J’ajouterai que la quantité d’écussons métalliques à bélière déportée découverts, est bien moins importante que ceux à bélière en chef, alors que les chiens étaient bien plus nombreux que les faucons.






Enfin, de petites plaques métalliques gravées (50 millimètres de haut) qui étaient rivetées aux colliers des chiens de chasse furent retrouvées, portant par exemple comme inscription « IE SVIS AV ROY VIAN ME GARDE 1633 », et non un blason, bien que la plaque ait la forme d’un écu.






Le second élément me permettant de remettre en cause l’hypothèse de l’utilisation de la bélière déportée pour les chiens, est la découverte de plusieurs pièces, dont certaines ont conservé leur support d’origine. Les écussons seuls sont d’une hauteur moyenne de 30 millimètres. Avec le support, leur hauteur est comprise entre 40 et 45 millimètres. Généralement, les 2 faces sont gravées et émaillées d’armoiries (identiques ou différentes). A la vue de la photographie ci-contre, il semble évident que la tige métallique était fixée sur un support, et non attachée au collier d’un chien.




Quelle pouvait être l’usage de ces écussons à bélière déportée ? Outre l’hypothèse d’éléments décoratifs de harnais de chevaux, il est possible d’imaginer que ces dispositifs pouvaient être fixés sur des bacinets au niveau de la fixation de la visière.







Autres vervelles pendantes

Si les chiens ne portaient pas d’écussons métallique pendant à leur cou, qu’en est-il pour les autres pièces de plus grande dimension et parfois de formes différentes ? Là encore, les découvertes de ces dernières années nous renseignent sur leur origine et leur usage. En effet, beaucoup d’objets ont été retrouvés avec leurs attaches d’origine, indiquant qu’ils étaient rivetés à un support. L’hypothèse admise, est qu’il s’agit d’éléments composant le harnais des chevaux. Cette théorie fut confirmée par la découverte en 2011 dans le comté de Cork en Irlande, d’un élément de harnais médiéval extrêmement bien conservé, et richement décoré. Il comporte 36 écussons héraldiques en alliage de cuivre doré, chacuns ornés de lions rampants (voir photo ci-dessous). Cette découverte nous montre également que certains supports étaient eux aussi ornés d’armoiries identiques à leurs pendants. Plusieurs pièces semblant provenir de harnais semblables à celui découvert en Irlande ont été mis au jour. Il ne sont pas gravés mais en métal repoussé, ce qui donne du relief aux motifs. De plus, ils ne semblent pas avoir été émaillés.



Outre la fonction décorative des écussons sur les sangles de cuir des harnais, il semble que certains écussons à bélière en chef étaient des composantes de structures plus complexes. Le British Museum en conserve au moins trois exemples où l’on voit clairement plusieurs écussons métalliques pendant tout au tour de la structure. La description que donne le musée de ces objets, les classe également dans les éléments décoratifs de harnais. Ils comportent des passants pour les lanières en cuir. Il semble que ce type de structure décorative relativement rare, devait être destinée à la parade lors d’événements importants.



Enfin, il existe une variante beaucoup plus rare comportant aussi une bélière en chef : les matrices de sceaux uniface ou bifaces. De petite dimension (25 millimètres pour les plus petites), elles n’étaient ni dorées ni émaillées. Il semble pour le coup évident que’elles devaient être au cou de leur propriétaire pour être en sécurité, et à portée de main en vue d’une éventuelle utilisation.




Écussons métalliques à tenon

Un dernier type d’écusson métallique peut également être cité, celui comportant non pas une bélière mais un tenon au revers. ce dernier est  parfois nommé « applique ». En règle général, ces pièces sont de petite taille (15 à 30 millimètres de haut), mais toujours émaillées et dorées. Quant à leur usage, il est probable que ces pièces furent rivetées sur des ceintures ou des vêtements, et bien évidemment sur les colliers des chiens d’agrément.


Ci-dessous une petite structure métallique comportant un écusson à tenon dont l’utilité reste à découvrir.




Conclusion

Aujourd’hui, le terme de « vervelle », qui était réservé à la fauconnerie, amalgame tous les types d’écussons métalliques armoriés. On voit désormais que les vervelles à faucon restent largement minoritaires comparées aux éléments décoratifs héraldiques des harnais de chevaux, et que les vervelles à chien sont difficilement différentiables des appliques destinées aux harnais. De plus, de nouveaux types d’écussons ont émergé grâce aux découvertes faites ces dernières années, permettant d’émettre de nouvelles hypothèses quant à leurs usages. Là encore, un beau travail de recherche se profile, mais la nécessité d’un enregistrement sérieux de toutes ces découvertes se fait cruellement ressentir.


Une version de l'article mise en page avec d'avantage d'illustration est disponible sur simple demande.

vendredi 9 octobre 2015

[Bibliographie] Armorial Universel de Jouffroy d'Eschavannes

Héraldiste, généalogiste, secrétaire-archiviste de la Société Orientale de Paris, conservateur honoraire des musées nationaux, etc. Joseph Louis Edouard Jouffroy d'Eschavannes (1820-1895) est l'auteur de L'Armorial Universel (1844-1848, 2 volumes)

Le premier volume de l'Armorial Universel est parut en 1844 et contient près de 12.000 noms. Comme il l'explique dans son avant-propos, Jouffroy d'Eschavannes a voulu "réunir le plus grand nombre de blasons qui ait été publié jusqu'à ce jour en un seul corps d'ouvrage". Il dit également n'avoir sélectionné que des blasons "justifiés" (sans plus de précision), et fait clairement l’amalgame avec la noblesse puisqu'il emploi le terme de "nomenclature nobiliaire".

Cet armorial est précédé d'un traité d'héraldique d'une centaine de pages qui a eut le droit à plusieurs réédition postérieures sans l'Armorial, sous le titre "Traité complet de la science du blason". 

Conscient qu'une autre parution serait certainement nécessaire, et du fait d'un grand nombre de réclamations de la part de familles qui étaient absentes du premier volume, l'auteur a du se résoudre à réaliser un second volume qui parut 4 ans plus tard en 1848. Contenant près de 16.000 noms, ce second volume est complété par un  petit supplément de 4 pages qui corrige certaines erreurs du premier volume.

Il semble enfin qu'un "Album héraldique" contenant tous les blasons dessinés et colorisés des 2 volumes de l'Armorial Universel était en préparation. Mais malheureusement mes recherches sont restées vaines, donc je doute que ce projet ait abouti.

L'Armorial Universel a bénéficié d'une réédition dans les années 70, ce qui permet de se le procurer pour une somme modique.


mercredi 21 janvier 2015

[Bibliographie] Armorial des principales maisons et familles du royaume (Pierre-Paul Dubuisson)

Pierre-Paul Dubuisson (1707-1762) est un des plus célèbres représentants d'une dynastie de relieurs, établie à Paris depuis la fin du XVIIe siècle. Il est reçu maître relieur en 1746, puis Relieur du Roi en 1758 à la suite d'Antoine-Michel Padeloup. Au fil du temps, il s'était constitué une importante collection généalogique qu'il mit à profit pour rédigé plusieurs ouvrages, dont "l'Armorial des principales Maisons et familles du Royaume".



La première édition de cet ouvrage est parut en 1757 sous la forme de 2 petits volumes qui contiennent près de 4000 blasons gravés et décrits. L'édition originale n'est pas courante et reste relativement chère. Cependant, on le trouve facilement dans une réédition des années 80 qui regroupe les 2 tomes en 1 volume pour quelques euros.


[Bibliographie] Trésor Héraldique ou Mercure Armorial (Charles Segoing)



Charles Segoing (1610-1674), comte de Vimory, était avocat au parlement de Paris. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages traitant d'héraldique, dont le "Trésor héraldique ou Mercure armorial" que Nicolas Boileau-Despréaux cite dans sa satire de la noblesse :

"Quand l'orgueil d'un faux titre appuyant sa faiblesse
Maîtrisa les humains sous le nom de noblesse
On vit paraître en foule et marquis et barons
Chacun pour ses vertus n'offrit plus que des noms
Aussitôt maint esprit fécond en rêveries
Inventa le blason avec les armoiries
De ses termes obscurs, fit un langage à part
Composa tous ces mots de cimier et d'écart
De pal, de contre-pal, de lambel et de fasce
Et tout ce que Segoing dans son Mercure entasse."

(Nicolas Boileau-Despréaux - Satire V)




Cet important traité qui contribua à la normalisation des règles héraldiques au XVIIe siècle fut plusieurs fois réédité. Il est divisé en 5 partie :

1 - L'origine des armoiries
2 - Définition des armoiries et différences en les termes "armoirie" et "blason"
3 - Discours sur la noblesse
4 - Symbolisme des meubles héraldiques
5 - Règles de composition des armoiries

Les exemplaires en vente étant relativement onéreux, il est possible de trouver plusieurs version numérisées en libre consultation sur internet.

mercredi 22 janvier 2014

Origines de la chevalière armoriée

Depuis l'Antiquité, les hommes et les femmes utilisent des bagues dont le plateau est gravé de motifs plus ou moins complexes afin d'apposer leur marque personnelle sur des documents et des objets pour les authentifier et garantir leur confidentialité. Les premiers sceaux furent réalisés dans de l'argile, puis dans du plomb vers le IVe siècle, et enfin de la cire à partir du XIIe siècle.
Cette pratique prit un essor considérable au Moyen-Age avec la multiplication des contrats écrits. Le faible taux d'alphabétisation des populations n'y était également pas étranger puisque ne pouvant pas signer, il était très facile de sceller pour officialiser et authentifier un document. Des artisans fabriquaient d'ailleurs des matrices de sceaux (héraldiques ou non) en grand nombre pour toutes les classes sociales puisque l'on trouve dès le XIIIe siècle des sceaux de paysans. Cependant, ces sceaux étaient portés autour du cou attachés à une chaîne et non pas gravés sur le plateau d'une bague. Cela pour une raison pratique puisque les paysans, artisans, et marchands travaillaient avec leurs mains et risquaient de détériorer la gravure, et également économique puisqu'un bijou avait un coût bien plus important.

mercredi 12 octobre 2011

[Bibliographie] Armorial Universel de Conrad Grünenberg

L'armorial "universel" de Conrad Grünenberg est certainement l'un des plus beaux que le Moyen-Age nous ait transmis. Réalisé à la fin du XVe siècle, il compile plus de 2000 blasons réels et imaginaires plus surprenants les uns que les autres, et dont le style graphique a influencé nombre d'héraldistes jusqu'à aujourd'hui.



Plusieurs copies plus ou moins fidèles à l'originales furent réalisées au cours des siècles, mais malheureusement, aucune édition scientifique ne lui avait été consacré depuis 1875. Pour pallier à ce manque, les grands spécialistes français de l'héraldique, Michel Popoff et Michel Pastoureau, ont publié aux éditions Orsini de Marzo une édition critique de ce magnifique armorial.


Vous pourrez lire une présentation de cet armorial par Michel Pastoureau en cliquant sur le lien suivant : Présentation de l'Armorial Universel de Conrad Grünenberg par Michel Pastoureau 

Ainsi que découvrir la copie la plus ancienne conservée à Munich, mais disponible uniquement en noir et blanc : Facsimilé de l'Amorial de Conrad Grünenberg